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13 juillet 2012 5 13 /07 /juillet /2012 14:48

 

Plein vent sur la côte. Des rouleaux insensés n’en finissent plus de s’écraser sur les roches déchiquetées qui nous protègent. Le soleil commence à se lever. L’air est glacial. L’immensité du ciel gris sombre qui se retire me rappelle que là-bas, à six mille kilomètres, c’est l’Antarctique qui nous fait face.

 

Petit chalet au bord de l’Océan Indien. Tsitsikamma National Park. Une longue bande de forêt primaire, des falaises, des rochers, et nous, au beau milieu. Je me mets à écrire. Il est temps.

On arrive à la fin du voyage. On a vu Cape Town, étranglée entre une falaise surplombante qu’on appelle Table Mountain, et la mer. Une sorte de  San Francisco peuplée de maisons victoriennes, dans les hauteurs des collines où on vit, et plus bas, jusqu’à la mer, un centre-ville  plus typiquement anglo-saxon, avec ses rues tracées en équerre, ses grands bâtiments modernes, son dynamisme marchand sans un regard en arrière pour les laissés pour compte qui hantent ses rues.

On a traversé  la région du Cap, cette plaine verdoyante nichée entre plusieurs chaînes de montagnes, dégusté des vins étonnants, mangé du Kudu, du Springbok, (gazelles locales) de l’autruche… on a pris plein les yeux de paysages magnifiques, à la hauteur de l’immensité de l’Afrique.

Je ne trouverai pas les mots cette fois pour décrire cette sensation de petitesse qu’on ressent devant le gigantisme et la splendeur des chaînes de montagnes, de la plaine verdoyante nichée au beau milieu qui a permis aux huguenots français de faire fructifier les vignes qu’ils avaient emmenées il y a déjà trois cents ans.

C’est autre chose qui me touche aujourd’hui. J’ai l’impression, où que j’aille, de marcher dans l’histoire.

L’histoire sanglante de l’Appartheid, la cellule de Nelson Mandela à Robben Island. Le silence saisissant qui accompagne le discours habité d’un ancien prisonnier, membre de l’ANC, qui nous fait visiter la prison. Le malaise diffus de voir tous ces gens s’agglutiner autour de la cellule pour prendre des photos, ce que je ferai peu après, bien sûr.

L’histoire de la guerre des Boers, de cette colonisation anglaise, hollandaise, française, des guerres contre les Zoulous. Les noms des villes, l’Afrikans, le cap de Bonne Espérance, tout me parle de l’histoire de la colonisation, d’une période clé du développement de l’Europe conquérante, d’hommes et de femmes partis de rien, durs au mal, qui ont forgé cette région à la force du poignet et en exploitant les autres, y trouvant richesse et pouvoir.  

 

Tout est si paisible, si beau, cette petite Hollande qu’on voit à Stellenbosch, le « coin des Français », Franzhoek, des villages paisibles et agréables, posés entre les côteaux de vignes.

Et tout cette richesse, cette beauté, parlent de souffrance.

De ce pays ou 9% de la population ont opprimés tous les autres. Où sans Nelson Mandela et la vision à long terme de quelques-uns tout aurait pu se terminer dans un effroyable bain de sang.

Je vois le rêve de la nation arc-en-ciel, comme les sud-africains appellent leur pays, la fierté de construire une aventure commune, comme un énième Nouveau Monde, et je ne parlerais pas autant du passé, si on ne prenait pas dans la gueule à chaque coin de rue à quel point les blancs ont tout et les noirs rien. Si on ne côtoyait pas des guesthouse  4 étoiles alors que les townships sont partout. Si on avait croisé autre chose qu’une incroyable scission entre deux populations censées vivre ensemble.

Alors oui je suis en vacances, oui certes la région du cap est particulière, je voudrais parler des paysages et des gens super sympas et de trucs rigolos mais je reviens et reviens sans cesse à ce malaise qui n’a pas de mots et que je traîne depuis Robben Island.

Je me souviens d’un ami qui me disait : « on n’est pas en Afrique ici ». Bien sûr que si on est en Afrique. Mais une Afrique particulière, et exacerbée.

Ce pays a devant lui autant de plaies à cicatriser que de défis à réaliser, autant de richesses que de problèmes, et les sud-africains ont raison d’être fiers de ce qu’ils ont accomplis sur les cendres de cette horreur qui a été perpétrée. Je ne crois pas qu’on puisse visiter cet endroit magnifique sans sortir marqué par son passé, et impressionné par la force de ceux qui reconstruisent déjà.

 

Sinon, j’ai refusé de faire le tour des Townships avec un guide.

Il y a sans doute beaucoup à découvrir comme le disent les agences.

Je suis peut-être hors sujet, après tout.

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