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7 août 2012 2 07 /08 /août /2012 22:40

Une grande tâche blanche s'approche à fleur d'eau, par le travers arrière du bateau... Le baleineau se retourne au dernier moment, sort la tête à ras du plat-bord et plonge sous la coque. Il nous heurte légèrement par dessous, et je valdingue en arrière, surpris.

Une grande masse sombre, beaucoup plus rapide, passe alors également à ras de notre petite embarcation pour emmener dans son sillage le rejeton à l'abri. Elle ne nous touche pas, heureusement...

 

Il paraît que c'est peu de chose, un baleineau. A peine quatre mètres de long et une tonne... Mais quand je me retourne vers Arthur, l'écoguide qui nous emmène en mer, je vois sur son visage le même sourire mi-émerveillé mi-béta qui doit fleurir sur mes lèvres. On a été heurtés par une baleine... On l'a vu à moins d'un mètre. Le baleineau curieux voulait voir qui on était, il a sorti la tête,normal non? Ca doit avoir une drôle de gueule pour lui un fonds de cale de hors-bord vu d'en bas...

En plus un jeune, moins d'un mois, encore gris, la dorsale pliée suite à l'accouchement...

 

C'est qu'en deux jours de sortie à Sainte Marie, on en a appris des trucs sur les cétacés...

 

Vingt kilomètres de large sur quarante de long, maximum quarante mètres de fonds, des eaux chaudes, sans prédateurs, Le canal entre Sainte Marie et la grande terre est un paradis pour mettre bas, sevrer les baleineaux, ou faire la grande parade amoureuse... Les baleines à bosse arrivent de l'Antarctique comme à Mayotte, mais elles sont infiniment plus nombreuses, plus joueuses et moins farouches que chez nous...

 

On a vu une belle dame que se disputaient deux mâles, qui faisaient assauts de plongeons, aperçu un jeune sur le dos, taper des nageoires pectorales dans tous les sens, un autre mâle frapper vigoureusement de la caudale pour impressionner un rival, des baleineaux joueurs sauter plusieurs fois.

 

Six à sept groupes au moins par sortie à observer. Mais surtout un tel respect des cétacés dans l'attitude des professionnels qui nous emmenaient découvrir ce monde complètement fou, un tel amour pour ces animaux d'un autre âge, un tel engagement dans leur façon de vouloir faire découvrir et protéger les mammifères marins.

 

Comment ne pas rester hébété? Entendre les baleines à bosse respirer par de grands jets de leurs évents, comme un immense soupir caverneux, pendant qu'elles croisent à quelques encablures de nous, c'est déjà tellement prenant que la poitrine te serre d'émotion. Les voir simplement nager, plonger, montrer leurs caudales et leurs dos puissants nous auraient suffi.

Mais une rencontre avec un baleineau de si près? Etre invité à découvrir pendant plusieurs heures leurs habitudes, leurs moeurs, presque leurs humeurs en fonction de leurs façon de se comporter, de plonger brusquement ou de changer de direction. Entendre les chants des grands mâles par un micro sous-marin, en même temps qu'on les observe en groupe, presque comme si on était pas là...

 

En rentrant, le deuxième jour, le dernier cadeau a été de presque percuter une femelle qui dormait, à la surface, tranquille, soufflant de ses évents et ballottée par les vagues. Une dizaine de minutes, moteur coupé, dans le silence, à juste l'observer, à quelques mètres de distance, avant qu'elle ne se décide à repartir.

 

Impossible d'y repenser sans être ému...

 

 

J'arrive de moins de moins à aller voir ou à supporter l'idée d'animaux en captivité. Les quelques rencontres que nous avons faites dernièrement avec la vie sauvage, le cirque touristique mis à part, m'ont complètement retourné. Ce qui était un concept devient une réalité sous mes yeux. Les animaux n'ont pas besoin de nous. Nous leur portons préjudice. Savoir des bêtes sauvages vivre hors de leur milieu naturel pour les beaux yeux des badauds ou même ceux de nos marmots curieux devient pour moi intolérable.

 

Savoir que tous les trois ans, la commission baleinière internationale vote la possible reprise de la chasse à la baleine, la grande et funeste chasse dans tous les océans du monde, et savoir que chaque fois, le vote est incroyablement serré, ça me file des frissons. Nous avons été les témoins d'un espèce de miracle. Je ne veux pas être le témoin impuissant de sa fin. Je comprends mieux les activistes de "Sea Shepherd" de Paul Watson. Peut-être doit-on dire résistant d'ailleurs...

 

 

"Pensez globalement, agissez localement", c'est ça qu'on disait, non??

Pour que le miracle continue, pour que le peu de magie qui subsiste encore puisse se maintenir encore un peu à la lisière de notre folie.

 

Peut-être est-il temps de choisir de défendre une cause. D'arrêter de fermer les yeux.

Tout ça parce que j'ai été heurté par un baleineau...

 

 

 

 

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