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2 septembre 2010 4 02 /09 /septembre /2010 13:46

Entendre les chants du muezzin à la radio, sentir le café au lait, le pain tabouna et les gateaux au miel, lorsque la nuit vient à tomber.

Se blottir au fonds d'un grand fauteuil, le ventre plein, et se plonger dans le livre le plus épais possible, récit peuplé de monstres et de héros, de voyages et de magiciens. Ecouter maman fredonner dans la cuisine en préparant la chorba du soir..

 

Souvenirs de rupture de jeûne, dans mon univers d'enfant où les traditions se mélangeaient comme par magie, où j'étais de toutes les fêtes, cherchant les oeufs de Pâques, rêvant à Noël, et célébrant Laïd.

 

Je n'aurais jamais pensé que les appels à la prière résonneraient en moi de cette façon, comme s'ils avaient toujours fait partie de ma vie. Je n'aurais jamais imaginé réveiller pendant ce voyage la fierté d'appartenir à deux mondes, le sentiment de plénitude de savoir planté au fonds de moi un bout d'Afrique, un bout de Maghreb. Comme un appel à ne plus oublier mon héritage et sa richesse.

 

Mais Ramadan à Mayotte, ça ne ressemble pas à mes souvenirs d'enfant. J'ai beau vivre au milieu d'un quartier maorais, je suis ici un mzungu et les mzungus ne participent pas à la fête. D'après ce que j'ai compris, il n'y a pas de mets spécial, on mange toujours des mabawas et du manioc, des bananes et des brochettes, et on réserve le zébu pour Laïd el Kebbir ou pour les mariages. La fête est intime, dans les familles. Il y a beaucoup plus de gens dehors le soir, les enfants jouent au bord des routes quand la nuit tombe, ce qui contraste avec une île très calme la journée. Les magasins ferment plus tôt, et on voit des queues impressionnantes dans les supermarchés. Les bouenis cuisinent tout l'après midi, les enfants courant parfois dangereusement autour des feux où se préparent les plats pour la rupture du jeûne.

 

La nuit tombe, et les appels à la prière montent partout dans l'air du soir. Je contemple le lagon de mon balcon, une ou deux chauve-souris planent lentement dans l'air tiède, et les zébus mugissent dans la cour, au milieu des aboiements de chiens perdus.. Les rues sont vides.

La vie est douce à Mayotte, et j'ai l'impression d'être ici depuis beaucoup plus longtemps que trois mois. Je suis en paix. Je ne sais pas de quoi sera fait l'avenir, mais c'est ainsi.

Jusqu'au prochain appel à la prière...

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8 août 2010 7 08 /08 /août /2010 18:11

M'tsangafanou... Plage du nord, sable blanc bordé de palmiers balancés doucement par les alizés. Face aux îlots Choisil, qui se découpent au loin...

Plongé dans l'eau tiède, je suis fasciné, complètement perdu, le regard vissé au loin sans pouvoir m'en détacher.

Les cumulus voyagent doucement, planant sur l'Océan Indien, et je les imagine au-dessus de la Tanzanie ou du Mozambique... Là-bas, loin à l'horizon, à la jonction du ciel et de l'océan. En ce lieu qu'on ne peut jamais atteindre autrement que par le regard et les rêves.. Là où résident tour à tour espoirs ou nostalgies, là où chacun peut se reconnaître dans ce qu'il a de plus cher.

Le ciel bleu de mon enfance m'a toujours paru incomplet sans la mer... sans la sensation d'infini qu'elle me procure, cet émerveillement permanent qui fait que je suis toujours un gamin quand je plonge mon regard au loin, comme si je pouvais voler au ras de l'eau sans fin..  

Que je soie en Bretagne, aux Antilles ou à Mayotte, le sentiment est le même, comme un appel silencieux vers un ailleurs hypothétique, comme un mélange d'inachevé et de plénitude devant l'envie de voyage que je ressens à la vue de l'océan..

 

L'appel au voyage, l'appel de la mer.... Fiou ça rend nostalgique... Mais c'est exactement la raison pour laquelle je me sens si bien dans les lieux de transit, que ce soient les aéroports, gares, ou même les aires d'autoroute.. ( Ce qui en fait hurler plus d'un quand on voyage à plusieurs!)

J'adore la sensation de voyage, les veilles de départ, les préparatifs.. tout! Je me souviens gamin comme j'aimais partir en pleine nuit pour faire la route sans bouchons, lors des vacances d'été. Les retours de week-end le dimanche soir en pyjama, à moitié endormi, en fixant les étoiles..

J'aime particulièrement faire une pause au bord de la route, voir le temps passer et me laisser à un peu de rêverie, même si c'est au beau milieu d'une station essence...

Pour moi, toutes les routes se ressemblent, pour peu qu'on les parcoure.. Et je crois que je pourrais repartir aussitôt après être arrivé sur un lieu de vacances, pour le seul plaisir de voyager encore un peu..

 

Mais là où le sentiment de plénitude est le plus fort, c'est quand je suis à la barre d'un voilier, que mon corps compense le roulis comme une dance silencieuse, que je sens la puissance de mon bateau sous mes fesses, luttant avec les vagues et le vent pour avancer.. ( d'où l'expression "barrer avec le cul" ) et que j'ai l'impression d'être suspendu entre le ciel et l'océan, comme si j'avais enfin rejoint l'horizon.

 

Même si on ne peut pas faire de voile à Mayotte, je voyage en roulant sur les petites routes sinueuses, en plantant mon regard partout où je peux le fixer au loin, en en prenant plein la vue tous les jours, et plus encore, jusqu'à plus soif...  Je sais qu'à l'ouest, loin au delà de l'Afrique, c'est la France, tous ceux que j'aime, comme de l'autre côté d'un miroir géant, et peut-être que si vous fixez les yeux vers le sud-est, on est en train de se croiser du regard...

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8 août 2010 7 08 /08 /août /2010 18:05

Tu as dix neuf ans, tu viens plusieurs fois par semaine, et j'ai pris l'habitude de te voir assis dans le long couloir du dispensaire lorsque j'arrive le matin. On ne te donne pas ton âge, pourtant, jeune homme, quand on t'aperçoit.

Tes yeux légèrement écarquillés parlent tristesse et résignation silencieuse. Affaissé sur ton siège, immobile, on pourrait presque t'oublier là.

 

Comment t'expliquer ta maladie ?? Sais-tu exactement ce qui s'est passé à la Réunion lorsqu'on t'a opéré?? Sais tu à quel point ton coeur est malade?? Et jusqu'où je dois-je aller dans mes explications, tu sembles si découragé, si fragile..

Tu es seul, sans famille, parti d'Anjouan en Kwassa trouver un avenir meilleur au pays des droits de l'Homme.... A trente dans une barque, de nuit, un seul moteur face aux vagues et 70 km d'Océan Indien à traverser..

On ne t'avait pas dit que tu rencontrerais ici autant de misère et de rejet, d'incompréhension.. Et comment pouvais tu imaginer que ton coeur s'arrêterait brusquement, un soir, comme un lâche abandon de plus. Que tu te trouverais relargué sur Mayotte après un aller et retour à la Réunion et trois mois d'hôpital, avec une nouvelle valve cardiaque, un coeur qui ne pompe presque plus, des traitements auxquels tu ne comprends rien, et comme principale activité le cache-cache avec la police pour ne pas retourner sur ton île natale, où tu n'as aucune chance de pouvoir te soigner..

 Plusieurs fois, on a dû téléphoner partout, à la DASS, à la Préfecture, pour qu'on te relâche, après t'être fait attraper lors d'une descente.. Vite, vite, avant qu'on ne t'embarque, malgré tout ce qu'on t'avait donné de certificats, d'injonctions médicales de séjour, et autres papiers qui ne servent à rien au beau milieu de la nuit, réveillé en sursaut par une lampe torche, quand tu as autant de mal à parler français.

 

Tu me demandes quand ton dossier sera instruit, pour pouvoir dormir un peu tranquille, pour pouvoir juste te soigner, espérer un peu.. Je prends mon téléphone... Je me heurte une fois de plus au barrage administratif et aux fins de non recevoir pour te dire qu'on ne peut rien de plus, qu'il faut encore attendre.. qu'on te recontactera..

Lorsque le fameux dossier revient enfin, par retour de courrier, après des semaines d'attente et plusieurs arrestations où on a dû te rattraper de justesse avant l'expulsion, il ne manque alors plus qu'une pièce pour compléter ta demande et obtenir ton titre de séjour.

Rien qu'une, mais pas n'importe laquelle....Ultime ironie, on te demande ton passeport comorien, passeport qu'il faut aller faire à Anjouan, sans pouvoir revenir autrement que clandestinement, en Kwassa. Ce serait donc trop simple d'avoir un consulat Comorien à Mayotte?

Tu as survécu à un arrêt cardiaque, surmonté une lourde chirurgie, des complications sans fin, traversé l'océan plusieurs fois. C'est peut être un foutu bout de papier qui va te tuer.

 

Il y a des jours où mes épaules pèsent plus lourd, où je ne sais pas quoi dire. Je te regarde silencieusement. Je n'ai pas grand chose à t'offrir, Ibrahim... Je n'ai pas d'autre solution que de t'envoyer vers une association de défense des sans-papiers. J'espère qu'ils pourront t'aider.

Mais le plus difficile c'est ton silence. Tu n'as rien dit depuis un moment, tu me fixes, sidéré, tu t'es encore un peu plus affaissé sur ton siège... Je voudrais que tu cries, que tu te révoltes.. Sentir ta colère, pour pouvoir t' accompagner. Sentir la vie qui bouillonne en toi, qui refuse de capituler, merde!

Je t'en demande peut-être trop, c'est égoïste, en fait. Je me sentirais soulagé de plonger moi aussi dans une colère salvatrice, de noyer ma tristesse dans la rage, de ressentir autre chose, n'importe quoi mais pas cette impuissance...

 

"Je ne sais pas" n'est pas un concept enseigné dans les facultés de médecine, on l'apprend tout seul, à la dure, ou on ne l'apprend jamais et on berne son monde, parfois en mettant en danger ceux qui sont venus chercher de l'aide.

 

"Je ne peux plus rien faire" est une phrase plus facile à prononcer, au premier abord. Mais c'est un apprentissage en soi que de pouvoir le dire sans agressivité, sans rejetter la faute sur le malade d'avoir "osé" nous confronter à nos limites...

 

Et les limites de ce qu'on peut faire sont parfois si proches à Mayotte....

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25 juillet 2010 7 25 /07 /juillet /2010 16:08

Vendredi matin, Tchanga (Mtsangamouji)... Constante depuis bientôt 15 jours, la PAF est à l'entrée du village, créant une baisse de fréquentation notable au dispensaire.. J'espère que je n'aurai pas à leur reverser une partie de mon salaire, tant il semblerait que leur présence guérit à distance les malades, leur permettant de rester tranquilles chez eux..

Bref ça bosse dur.. et en cette période intensive de mariages, la musique retentit de partout dans le village. Le souloubou est une musique maoraise typique, zouk africain très très très rapide, monorythmé, un seul accord, dont chaque morceau peut durer... disons indéfiniment et je ne serai pas loin, mais peut être plus sûrement trois quarts d'heure.

Comme chaque maison autour de nous a fait "péter les watts" en cette matinée qui n'est plus tranquille du tout, et que chaque chaîne hifi crache son morceau de façon décalée, en un concert pétaradant et désynchronisé, l'impression globale est que si je me trouve un mur en crépis, je ne vais pas tarder à aller me frapper la tête dessus pour trouver un peu de calme dans l'oubli d'un trauma crânien bienvenu...

Je m'attarde alors dans le parking, en cherchant une idée géniale pour ameuter des patients, et/ou faire taire cette satanée musique, lorsque mon regard s'attarde sur ma bagnole...

Elle est belle, Sidonie, ma Clio Campus... blanche marronasse suite aux routes un tantinet poussiereuses, effilée, bombée sur les côtés.. Mais son coffre, mon dieu son coffre...

 

Depuis une semaine je découvre la notion de magnégné... J'en avais entendu parler, mais j'étais jusque là miraculeusement épargné, la chance du débutant sans doute! Le magnégné, c'est tout ce qui marche mal, tout ce qui casse, qui est de mauvaise qualité, qui peut lâcher à tout moment. Ca concerne tout ce qui électronique, évidemment, mais en fait tout peut rapidement devenir magnégné à Mayotte.

 

En une semaine, j'ai réussi à péter mon rétro gauche dans un choc avec un camion qui m'a serré le kiki, je me suis fait enfoncer le coffre dans une marche arrière mal contrôlée sur un 4/4 (qui lui n'a rien, évidemment.)

Il y a 3 jours, j'ai crevé un pneu pendant un créneau en roulant sur... je ne sais toujours pas quoi.. on m'a dit un parpaing mais j'ai un doute... Le lendemain j'ai été abandonné par ma batterie, et attendu plus de deux heures la nuit à Dzoumogné que la batterie de rechange arrive..

Hier avec des amis belges, mon coloc Adrien, et Thibault, un autre pote, on a loué un bateau moteur pour aller visiter le lagon, la passe en S (une passe magnifique dans la barrière de corail, visitée par les plongeurs du monde entier) et le fameux îlot de sable blanc du sud ( parce qu'il y en a un autre au nord..). En dehors du fait regrettable que j'ai pris un monstrueux coup de soleil qui m'a mis totalement K.O le soir et le lendemain suivant (aujourd'hui donc!!), j'ai surtout perdu mon portable, regrettablement décédé dans un contact prolongé avec l'eau salée... Les coffres n'étant bien entendu pas étanches dans la barcasse que nous avions loué...

 

On peut appeler cela la loi des séries, le sort malheureux qui s'acharne, ici c'est magnégné... En ce moment, c'est chaque jour sa tuile, j'espère que mon disque dur et et mon ordinateur seront épargnés par l'humidité, la chaleur, les bestioles... magnégné.

Comme quoi je suis de plus en plus à la sauce maoraise, j'ai découvert cet intéressant phénomène, où tout pète petit à petit... Cette dégringolade dans la confiance accordée aux produits manufacturés, et le fatalisme inhérent dans la décrépitude annoncée et inévitable de tout bien personnel.... Que voulez vous faire?? c'est magnégné!

 

Pour finir, l'îlot de sable blanc, c'est une dune de 100m sur 30, plantée au milieu d'une eau vert émeraude, pile au sud est de l'île... c'est un décor grandiose, un vraie carte postale. Il peut être utile de mettre de la crème solaire quand on se retrouve sur un tas de sable chauffé par le soleil, au milieu de rien...Sauf que la crème c'est gras, c'est froid... quand on transpire ça mousse.. Du coup j'en ai pas mis.

 

Je suis rouge écrevisse et j'ai mal au crâne....Je suis magnégné.

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25 juillet 2010 7 25 /07 /juillet /2010 16:04

Filant dans le lagon sur un bateau moteur loué pour la journée, on longe pendant un moment Petite Terre, l'aéroport et la piste d'attérissage qui se prolonge dans les eaux vertes jusqu'à presque toucher la barrière de corail.. Je me revois il y deux mois, arrivant dans cette île inconnue, attendant la barge pour traverser le lagon vers Mamoudzou, regardant au loin les maisons, devinant que derriere ces murs devaient vivre des gens, se nouer des histoires, et anxieux de savoir de quelle façon j'allais pouvoir me mêler à eux, à la vie de cette île...

 

Sur la droite de la barge, en traversant de Petite Terre vers Mamoudzou et Grande Terre, surgissent plusieurs îlots rocheux recouverts de végétation tropicale, rappelant les paysages de Thaïlande... Quand nous les repassons en trombe ce samedi 24 juillet, ils me semblent familiers. Chaque endroit que je fixe me rappelle une anecdote, un souvenir, une personne....  J'ai investi Mayotte, lui ai donné un visage reconnaissable.

 

Trois premières semaines à vivre à Mamoudzou, au Baobab, cet hôtel sur les hauteurs, avec la piscine, en compagnie de ma collègue et amie Isabelle... Découverte de l'île, principalement le sud, la magnifique plage de N'gouja, ses tortues et ses makkis censés vous envahir si vous exhibez une banane, mais aussi le mont Chungi, sorte de doigt recroquevillé pointé vers le ciel, dominant tout le sud.. Découverte de mon dispensaire à M'tsangamouji (maintenant on dit Tchanga... on est des habitués), la médecine à Mayotte, les premières gardes et astreintes..

Loin du Nord, en pleine capitale, dominant la mer.. Un séjour presque touristique, plages, restaurants, peu de connaissances, mais comme un premier palier de plongée vers l'inconnu..

 

Puis le déménagement dans l'appartement de Bandraboua, en plein Nord, petit village, proche des dispensaires, maison maoraise typique (même si cossue : une des rares à bénéficier de l'eau chaude).

Colocation, à l'époque avec Chloé, premières soirées avec sa bande de copains.. L'insertion dans un nouveau milieu, totalement différent de l'ambiance de la capitale, de ces Mzungus vivant à l'écart dans leur monde.

J'ai rencontré des gens de mon âge, vivant au sein des maorais, et tissé peu à peu des liens avec tous, dans le partage et l'entraide.. J'ai vécu les soirées entre amis, les plats maorais, les concerts locaux, les randonnées vers les plages inaccessibles et totalement sauvages, les escapades canoé autour des îlots proches, le snorkeling dans les coraux, les nages avec les tortues, les Voulé, ces barbecues géants sur la plage avec la musique à fonds les ballons..

Avec l'arrivée d'Adrien, mon colocataire marseillais, j'ai revisité les quelques mois passés avec mon vieux pote Madou en 2003. Adrien qui m'a fait découvrir le golf, avec qui on a dû apprendre à cuisiner des quiches darre darre suite à un pari perdu... Une coloc de mecs, un délire rajeunissant!

 

Huit semaines déjà. La moitié du voyage.. J'ai vécu plein d'expériences nouvelles.. Redécouvert la joie d'écrire. Repris confiance en moi. Un grand vent a emporté avec lui  les peurs, les blocages, les incertitudes.. Je ne sais pas de quoi sera fait l'avenir quand je vais rentrer retrouver ma vie, mon pays et ceux que j'aime, mais je sais tout ce que cette expérience m'aura apporté. Un goût de nouveau départ, et l'impression d'être bien dans mes pompes, une première ou presque.

 

Je n'ai pas encore fait de plongée en bouteille, mais c'est pour bientôt, c'est prévu ! Je n'ai toujours pas vu de makki de près, ni dansé dans un bal poussière (bal de village).. Je n'ai pas encore été à la rencontre des baleines et des dauphins...j'ai encore plein de choses à vivre, des futurs souvenirs pour les longues soirées d'hiver!

Même si la France et tout ce que je vivais me manquent parfois terriblement, quel pied de se redécouvrir!  Je ne regretterai jamais de m'être jeté dans le bain de la médecine de dispensaire, d'avoir réappris à bosser en équipe, géré des urgences, de n'être plus un médecin remplaçant, mais un médecin tout court.

 

Le seul point noir dans cette petite aventure (terme totalement galvaudé par les émisions de télé réalité), c'est la poisse qui semble me coller aux basques dès que je monte dans une bagnole, mais ceci est une autre histoire!!

 

 

 

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17 juillet 2010 6 17 /07 /juillet /2010 15:29

L'air est lourd. Le soleil frappe dur en ce matin qui s'achève... Les coqs s'agitent sous les bananiers, cherchant un peu de fraîcheur. Il est onze heures du matin déjà, et presque pas de patients..

Cela dure depuis bientôt 10 jours, on gère les quelques cas qui nécessitent notre aide, et on a fini très vite..  Nous sommes deux, à présent. Aurélie, un autre médecin, est venu en renfort. Et l'activité ne fait que chuter depuis, hors des périodes épidémiques, pendant cette saison sèche qui bat maintenant son plein.

On tourne en rond dans les couloirs, on essaie de bosser un peu de théorie, de revoir des points obscurs de médecine tropicale .. Ou on se pose, tranquille, à l'ombre, les yeux perdus au loin, sur les collines escarpées qui nous font face, recouvertes de palmiers, découpant leur façade vert émeraude sur le bleu azur du ciel de Mayotte, ce ciel qui ne se teinte jamais du jaune-gris sale de l'ozone, ce ciel qui ne connaît pas la pollution.

 

La mer est mauvaise en ce moment, les Kwassa venant d'Anjouan ne traversent pas, et la PAF a plus d'effectifs pour surveiller l'intérieur de l'île, autour des villages, autour des dispensaires aussi. Du coup peu de gens sortent.. Tous les jours, on voit les voitures de police à la sortie de M'tsangamouji. Nos patients sont souvent en situation irrégulière, anjouanais pour la plupart, et se cachent dans les champs ou chez des membres de leur famille, non loin du village. Leur situation sanitaire est souvent dramatique. Ils attendent que la rue soit sûre pour venir se soigner..

Telle est la vie à Mayotte, dans cette île où certains clandestins attendent, plaies et abcès sans soins, que leur situation soit suffisamment grave pour ne pas se voir refouler à l'entrée des dispensaires... Tout pour ne pas aller chez Médecins du Monde à l'autre bout de l'île.

Notre rôle de soignant est ici de décider qui parmi cette population doit payer dix euros pour accéder à dix jours de soins, et qui peut bénéficier d'une AGD, document qui les dispense de paiement. Pendant ce temps les Mahorais bénéficient d'une santé entièrement gratuite, sans mutuelle, sans aucun frais.

 

Un peu d'histoire....

 

Mayotte fait partie des Comores depuis toujours. Mohéli, Anjouan, Grande Comore et Mayotte, composent cet archipel, sous directorat français depuis 1887 avec Madagascar. Comme le dit le proverbe local : " A Anjouan on travaille, à Grande Comore on palabre, à Mohéli on dort et à Mayotte on fait la fête." Les liens sont nombreux, aussi bien culturels que religieux ou économiques, entre ces îles qui n'ont jamais bénéficié d'une réelle unité politique. Ainsi les populations de chaque île des Comorres, originellement différentes, se mêlent au rythme des guerres, coups d'états et razzias menées par les "sultans batailleurs" qui dirigent l'archipel entre le seizième siècle et la colonisation.

En 1841, le sultan Andriantsoly vend Mayotte à la France, pour se protéger des sultans des îles voisines, près de 40 ans avant que l'ensemble des Comorres ne passe sous protectorat français. La capitale de l'archipel est alors Dzaoudzi, où se situe actuellement l'aéroport de Mayotte. L'ensemble de l'archipel passe sous le statut de TOM en 1946, et la première fracture entre Mayotte et les autres îles prend forme en 1956, lorsque le gouvernement autonome transfère la capitale des Comores à Moroni (Grande Comore). Les mahorais supportent mal le régime de Moroni qu'ils dénoncent comme injuste et corrompu.

Lorsqu'en 1974, les Comores votent l'indépendance, Mayotte est alors la seule à vouloir rester française. Suivront cinquante ans d'incompréhension et de faux semblants enre Paris et Mamoudzou, la capitale mahoraise actuelle. Tout d'abord soucieux de ne pas se faire lâcher par la France, Mayotte obtient le statut de collectivité territoriale, puis de collectivité départementale, avant de massivement voter par référendum en 2009, pour devenir le 101ème département français dès 2012.

 

La départementalisation... on en entend parler en permanence.. L'espoir placé en la France est énorme. Mais comment passer d'une société de subsistance, typiquement africaine, et totalement dépendante du fret maritime et aérien, à une société de consommation d'inspiration européenne en quelques années ?? Cela sans perdre les valeurs ancestrales auxquelles les mahorais sont encore si attachés puisqu'elles constituent le socle d'une vie rythmée par les saisons, la vie aux champs, la prière et les fêtes religieuses d'un Islam africain et tolérant... La sécurité sociale a cinq ans, les routes en ont dix !!! Comment imaginer qu'en 1990, il était plus rapide d'aller à l'hôpital en pirogue plutôt que de passer par la terre...

Comment faire pour introduire ici normes, législations, certifications ?? Plusieurs milliers d'orphelins se baladent sur les routes, les villages de clandestins dans la montagne se découvrent tous les jours.. La pauvreté est endémique. Pendant ce temps, la fiscalisation commencera à s'harmoniser dès 2014, alors que les taux de prestations sociales sont prévus pour s'aligner avec les nôtres sur 20 à 25 ans...

 

Mais au delà de ça, comment peut on couper artificiellement Mayotte de son histoire, de son environnement géographique immédiat ?? Cette île est une enclave de relative prospérité, uniquement grâce à l'aide de la France, au milieu d'un océan de misère, Comore, Madagascar, Mozambique, Kenya.... Et la population montante de clandestins venus de tout l'océan Indien mais principalement d'Anjouan le souligne bien. Le futur 101ème département n'a d'ailleurs été reconnu français par l'ONU qu'en 2002, quand l'Union Africaine le considère toujours territoire comorien, symbole de la volonté colonisatrice persistante de Paris.

Peut-on avoir pour politique unique l'isolement de l'île, et la reconduite des clandestins à Anjouan, même quand ils sont kényans ou malgaches d'ailleurs ?

 

Je suis face à la colline noyée dans les palmiers, je n'ai pas de patients.. Je suis frustré par l'attente, par la barrage culturel que je n'arrive pas encore à passer, qui m'empêche de communiquer avec mes patients clairement.. Barrière de langage, barrière de pensées et de coutumes aussi.. Je pense à eux, à leur misère, aux AGD que les aides soignantes mahoraises me demandent de ne pas donner aux clandestins, alors qu'elles jouent le rôle de traductrice... comme une ultime vengeance entre frères... Je n'arrive pas toujours à saisir la complexité des liens entre mahorais et comoriens... Entre Mayotte et l'Afrique...

 

Mais je ne conçois pas mon rôle de soignant comme celui de choisir qui a droit à être guéri.

Fameuses AGD.... Un simple document à signer... mais le symbole d'un mal être.. Le symbole de l'hypocrisie et de l'injustice dans les soins... Le symbole de plusieurs fractures... Une fracture entre mahorais et mzungus, et leurs civilisations. Une fracture entre une île et son archipel, entre mahorais et anjouanais, entre frères...

Voilà ce qu'on me demande : de choisir entre des frères... Entre des frères du bout du monde...

Parce que certain d'entre eux ont un passeport français.

 

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7 juillet 2010 3 07 /07 /juillet /2010 17:42

A tout je vous dis...

A chanter à tue-tête en yaourt sur du zouk en shimaoré, à se garer n'importe où, même après un virage... à conduire comme un barge sans avoir peur des flics...

A prendre tout le temps des gens en stop... même quand ils ont des coupe-coupe géants (chambos..) et à leur parler de n'importe quoi..

A dire bonjour à n'importe qui, quand ça vous prend.. en français ou en shimaoré, et à se faire regarder par tout le monde quoiqu'on fasse..

A traiter les blancs de Mzungus, et se foutre de la gueule de ceux qui habitent à Mzunguland... (même si on leur envie un peu leur confort sans le dire...)

A vivre dans un village paumé sans magasin et le trouver animé. A vivre sans Fnac, sans ciné, mais avec la mer à chaque tournant..

 

On s'habitue même à se lever à six heures (en gros.... faut pas déconner!!) et se coucher à dix... (si si je l'ai fait hier..), mais surtout à avoir fini à deux heures pour aller à la plage...

On s'habitue aussi à vivre en coloc, à partager les décisions télé, les frigos.. et les copains qui passent à l'improviste.

 Une coloc avec plein d'insectes, et des lézards, et des coqs à la con qui savent même pas lire l'heure... ( toute la nuit ils chantent ces brelles!)

Et quand les coqs se taisent, c'est les zébus qui s'y mettent..

A faire son snob sur le choix des plages, et râler si les coraux sont à plus de cinq minutes à la palme...

A vivre au bord de la mer, sans nager tous les jours !! le truc impensable pour moi avant...

 

A faire la queue pour tout et rien, sans être pressé de faire autre chose.. Puisqu'une chose par jour, c'est déjà bien..

A se dire qu'il sont dingues en métropole, et qu'ils ont l'air vachement stressés!

A aller faire les courses dans des superettes minuscules, qui croulent sous les sacs de riz de vingt cinq kilos...

A ne jamais reconnaître les marques de bonbons, ni les marques de rien d'ailleurs.. Et à ne plus faire gaffe.

A craquer de temps en temps pour du jambon à deux euros la tranche..

 

A croiser des cases en tôle, de la poussiere, des chèvres et des zébus.

A dire "Ewa" (oui, d'accord, ok, ça le fait...) tout le temps.

A acheter ses fruits au bord de la route, à manger des mabawas (ailes de poulet à la braise) pour un euro.

A chercher des scolopendres avant de prendre sa douche, à ne plus avoir de presse à lire au p'tit dej...( pas de journaux ! )

A ramer sur des connexions aléatoires, mais après tout, ici, ça reste accessoire..

 

Et puis on s'habitue à se dire qu'il fait frais, le soir, tout en suant, et en gardant la clim, avec une petite laine..

A ne plus espérer le jour dès que sonne cinq heures trente....

A voir en levant la tête un ciel couvert d'étoiles, et à se demander comment on avait fait avant !

A toujours avoir un palmier sous les yeux, ou une vue sur le lagon, et ne plus sourire en se disant qu'on a vraiment de la chance!!

 

On s'habitue si vite à vivre autrement, à perdre ses repères, à en recréer d'autres..

A vivre aussi près de l'Australie que de Paris. D'ailleurs si j'avais un passeport, j'irais passer le week end à Maurice ou à Mada..

Et je me dis que je préfèrerais vous la faire voir, en vrai, cette petite île...au lieu de vous écrire de si loin....

 

Et pour finir une pensée à Aya, Melisande, et Isabelle, les trois petites vies qui viennent de commencer...

Pour qu'un jour peut être, elles aussi puissent partir au bout du monde... si ça leur dit..

Une grosse bise aux mamans !!

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26 juin 2010 6 26 /06 /juin /2010 16:51

Je suis comblé d'une oasis. Niché au creux de la montagne, perdu dans la jungle, je sirote du jus de carambole.

J'ai retrouvé la joie d'écrire.

Le coeur de ce que je suis remonte à la surface, bouillonne en mille particules, je n'arrive plus à m'arrêter.

Calmons nous..

Sig vient de quitter Mayotte. Elle vole au dessus de Madagascar, et je suis revenu au lieu même de nos derniers instants partagés : le gîte du Mont Combani.

Imaginez vous au sommet d'une succession de monts couverts de forêts tropicales, bringueballés dans les méandres de chemins caillouteux pleins de poussière rouge.

Au détour d'un virage, Sidonie, ma fidèle compagne (et Clio campus de surcroît..) rape une énième fois son bas ventre érafflé sur une bosse lorsque soudain, je l'aperçois... Le gîte est un ensemble de huttes de bois de bananier et de torchis, appelées bangas, disséminées sur un pan de montagne faisant face au lagon, parfois posées au milieu d'un jardin tropical, parfois perchées au dessus du vide.

Entre les bangas serpentent des chemins de pierre et des jungles changeantes.. La fraîcheur du vent berce les hamacs dispersés dans les frondaisons et disperse les senteurs d'ylang, jasmin douceâtre et enivrant.

Je hume le calme de la forêt qui bruisse doucement au gré de la brise. Je suis en paix.

Perché au coeur du monde, je suis du regard les vagues qui ondulent sur la cîme des manguiers, la nature me coupe du manque de la séparation et m'apaise tendrement.

 

Voilà pour le tableau de maître. Vous situez mieux le décor, pas besoin d'en rajouter ( c'est déjà fait ceci dit...). Je peux plonger dans mes souvenirs.

 

 

On en a parcouru des kilomètres en deux semaines, cherché de nouvelles plages, dormi au bord du lagon, traversé des villages africains.

On a cherché des tortues sur des plages de sables blancs, admiré les circonvolutions des baobabs chauves et charnus.

On a nagé au-dessus des tombants coraliens, noyé l'appareil photo sans pouvoir l'achever.

 

 

On a été visité par des milliards de moustiques, lutté derriere des moustiquaires et allumé des spirales qui nous ont asphyxiés..

On a vécu en collocation avec des gekkos qui caquetaient le soir, nourri des légions de fourmis de toutes tailles, vus des makis de loin et des chauves souris de près..

On s'est enfournés des légions de brochettes, nourris de bananes vendues au bord des routes, jetés sur des tranches de manioc frit trempées au piment..

On a failli rouler sur des zébus récalcitrants, contourné des forêts d'enfants courant le long des routes, évité de justesse des vieux des chiens des chats..

 

On a aimé des plages, des couchers de soleil, vu au détour des routes des criques inaccessibles.

On s'est senti petit devant la jungle reine, écrasés par les pans des collines tombant au bord de l'eau.

On a vu la misère, les bidonvilles et les dépôts d'ordure à ciel ouvert, on a pu observer deux peuples vivant dos à dos.

 On a subi tour à tour sable brûlant et déluges d'eau de pluie tiède, plongé dans des eaux de toutes les couleurs...

 

On a vécu une parenthèse dorée, juchée entre deux longues périodes d'éloignement..

Rentres bien mon amour, mes pensées t'accompagnent.

Je repars en solo, mais j'ai la tête et le coeur pleins de merveilleux souvenirs.

 

Les nuages lourds de l'océan indien lézardent au gré des vents épars, ils frisent les cîmes du gîte, le soleil joue à cache cache.. tout est lent et apaisé en cet après midi qui s'étire.

La nature reprend ses droits à Mayotte, elle dicte à nos comportements la marche à suivre. Ici plus qu'ailleurs, on est sensible au temps qu'il fait, on se laisse bercer par le climat.

Volé volé, comme disent les maorais.

Je vais retrouver le Nord dès lundi. Retrouver mes patients, la chaleur et les pluies. Le grand appartement, et un nouveau coloc..

 

Perché sur mon nid d'aigle, je suis loin de tout cela, loin de tout ce qui agite le monde...

Quel bonheur d'oublier cette vie occidentale qui vous presse et vous abrutit de nouvelles, cette permanente avalanche de stimulus divers.

Quel bonheur de se reposer à une vie plus simple. De sentir les secondes qui coulent une à une, de plonger son regard, au loin, dans la vallée. De regarder la mer, et lui savoir gré d'être, juste pour un instant, comme un havre de paix.

Je revois comme un rêve la case robinson, ce gîte perdu au bord d'une plage incroyable, où les tortues de mer viennent pondre la nuit. Je revois mille choses, mille restent encore à venir.

 

Je pense à vous bien fort. (PS : je viens de comprendre comment répondre aux commentaires... je m'y colle)

 

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16 juin 2010 3 16 /06 /juin /2010 17:04

Le vent se lève, sous les nuages lourds.. voila la pluie.

Pluie tropicale, violente et tiède, sur les collines d'un vert dense, si dense....

Les branches des arbres ploient sous les fruits : bananes, caramboles, papayes... Les lianes pendent au bord des routes, et les manguiers se préparent à fleurir.

Les villages se raréfient, poussière rouge et cases de tôle. Maisons de brique. Marcheurs sur la route... Au gré des envies.

La mer soudain se découvre, des îlots déchiquetés se découpent au loin. Après le grain, vient la clarté. Cette incroyable visibilité qui plonge, plonge au ras de l'eau et fait voir l'horizon comme jamais.

Le mélange étrange de végétation luxuriante et de village rares et surpeuplés, collés à la côte, parfois perchés sur la montagne, est saisissant.

Ces reliefs plus déchiquetés, plus sauvages qui s'élèvent au bord des eaux, les plages coincées par des falaises et accessibles par la traversée d'un pan de jungle.. Voilà le Nord.

Les noms de villages sont escarpé eux aussi : M'tsamboro, M'tsangamouji, Dzoumogne, Bandraboua... fini les Koungou, Mamoudzou, Tzoungou...

 

Je vis au nord de l'île, et je crois que je suis accepté. On me connaît dans le village, j'arrive souvent en trombe, dans ma Clio... En retard, on ne se refait pas!

Mes jours s'égrènent au dispensaire, je soigne, je vois beaucoup de gens, du tout au rien, on ne peut pas s'attendre ou prévoir.

Des urgences parfois, on est dispo. L'équipe est là, on tourne bien ensemble.. Ca rit souvent, mais ça dépote, je peux compter sur eux.

Les filles amènent souvent à manger, bananes bouillies, manioc frit, rougaïe de poissons, et on partage, tous plus ou moins dans le même plat.

 

Quand vient 14 heures, je cherche une nouvelle plage, ou je roule sans but, dans la montagne... la musique, c'est fait pour ça.

J'écris un peu, je lis parfois, je nage et je cherche des coraux.

La découverte est perpétuelle, la vie se pose en ce moment pour moi.

 

J'ai emménagé à Bandraboua, à vingt minutes du dispensaire, maison maoraise un peu en recul, dans les collines. Enorme appart, trois belles chambres, meubles massifs en bois laqué..

Puis vient la clim, la moustiquaire, les règles de coloc sont édictées.

Voilà Chloé, Florian son homme, qui est venu la rejoindre quelques temps.

Médecin comme moi, elle est amoureuse de l'île, elle y reviendra sûrement.

Les rencontres sont assez nombreuses, je suis invité un peu partout... Je suis nouveau, alors j'intrigue, surtout que je parle peu de moi...

 

La vie s'écoule à un autre rythme, ici, on a un peu plus le temps...

On vit avec le soleil, on vit avec les envies..

On a beaucoup plus le temps.

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16 juin 2010 3 16 /06 /juin /2010 15:20

Vendredi 11 juin, 20h30..

Il fait nuit noire déjà, depuis longtemps. Dans les virages du nord de l'île, je roule dans les senteurs tièdes de l'Ylang, la fleur locale..

Gipsy de Shakira résonne dans mes oreilles, et soudain, hop, flash back, je suis en 1996.

1996 à Caracas, Venezuela... Shakira est mexicaine, brune, chante du folk en espagnol avec sa guitare et sa voix rauque... Pies Descalzos résonne, au milieu des autres airs merengue...

J'ai 21 ans, je ne sais pas qui je suis, premier voyage... premières folies, les Andes, les boîtes de nuit, les condors et la plongée dans les mangroves....

L'avenir a un goût fantastique, à 21 ans.. Je me vois dans des délires sans fin, tour à tour aventurier, médecin, écrivain conteur, voyageur... le tour du monde à la voile..

L'avenir est tous les jours présent, je rêve à voix haute d'éternités de rires et de moments partagés. Je n'ai pas de conscience de choix de vie, de compromis ou de limites...

J'étais perché...

2010, 35 ans... La fac de médecine est passé par là, avec ses coups durs, ses découvertes.. ses choix. Je ne suis plus ce jeune rêveur que j'ai pu être..

Je suis un vieux rêveur!

 

Un rêveur majuscule, qui sait le prix que coûte la foi.

La foi en la vie, la foi en l'autre, malgré tout, et jusqu'au bout...

Infos catastrophiques, menaces nucléaires, climatiques, environnementales... La guerre des mondes et des religions... ou tout simplement la vie qui nous marque...Qu'importe!

Je vois dans les yeux de ceux que je croise l'instant précieux ou le rire naît... Et ça me suffit pour y croire.

 

Je remercie la vie mille fois de m'avoir mis sur le chemin de la médecine, au carrefour de rencontres, d'histoires uniques, de peines, de deuils et de maladies...

Là où je revis.

Là où je sais quel est mon rôle, là où je pioche tous les jours. Là où je donne et je reçois... et j'ai déjà tellement reçu.

Alors mon rêve n'est plus le même...

Il n'a plus le même goût, cette saveur de tous les possibles, ce sucré de l'infini qui se redessine à chaque instant : " je veux être Zorro, pompier, acteur, Largo Winch ou Nelson Mandela..."

Non mon rêve a vieilli, comme moi.. On a mûri tous les deux, on a pris des coups, on a pleuré... on a presque arrêté d'y croire...

Presque...

Le rêve que je porte est à présent le mien propre, il est passé au tamis des difficultés de la vie, est en train d'accepter que le temps puisse passer...

Mais il existe, vibrant au plus profond de moi.

Parce que les larmes, parce que les pleurs, il est ce qui me donne encore la foi...

La foi en la vie que je mène, et en l'avenir que je veux dessiner.

 

Alors je revois le Venezuela, la douceur de mes vingt ans, et je me cale dans mon fauteuil, je me laisse aller à écouter Shakira, et je resurgis, en 2010...

Voulé Géant (barbecue local) , à Dzoumogné... Musique, palmiers, bananes sautées...

J'ai 35 piges, et moins de regret.. Mon chemin valait la peine.

Je suis en coloc dans le nord de l'île... dans un village : Bandraboua.

Maison Maoraise sur une colline, dispensaire à vingt minutes..

Fini l'hôtel, , la piscine, et la capitale...

Je plonge encore d'un palier... dans la vie de l'île..

Bientôt, Sigrid arrive... je suis prêt à lui faire découvrir..

 

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